
Introduction : Le Lean, ce n’est pas juste réduire les coûts
Si vous pensez que la gestion Lean se résume à couper les coûts et à presser chaque goutte d’efficacité… détrompez-vous. L’objectif initial du Lean n’a jamais été d’épuiser les gens ni d’éradiquer chaque micro-gaspillage.
Le Lean est avant tout une approche centrée sur l’humain et axée sur la valeur, qui vise à améliorer continuellement notre manière de travailler. Et cela demande un certain équilibre.
Cet article fait partie de notre série sur le Lean adaptée aux organisations en croissance. La semaine dernière, nous avons vu pourquoi le Lean place l’humain au cœur. Cette semaine, on explore le Lean approche équilibrée 3M : muda (gaspillage), mura (variabilité) et muri (surcharge). Quand on grandit vite, comprendre et maîtriser ces trois forces peut faire toute la différence.
Qu’est-ce que le gaspillage (Muda)? Tout ce que le client ne veut pas payer
Commençons par le M le plus connu du Lean approche équilibrée 3M : le gaspillage.
En Lean, le gaspillage correspond à tout ce qui n’apporte pas de valeur aux yeux du client. Cela peut inclure :
- Le déplacement de pièces d’un poste à un autre (transport)
- Un stock excessif (inventaire)
- L’attente d’approbations ou de décisions (délais)
- Produire plus que nécessaire (surproduction)
- Répéter des étapes ou corriger des erreurs (retouches)
- Faire deux fois la même tâche (sur-traitement)
- Ne pas utiliser les compétences des gens (sous-utilisation des talents)
- Produire sans respecter les attentes (défauts)
Comme le disait Taiichi Ohno : « le gaspillage, c’est le mouvement inutile et répétitif qu’il faut éliminer immédiatement. » (1)
La première étape ? Cartographier votre chaîne de valeur et distinguer ce qui transforme réellement votre produit ou service (activités à valeur ajoutée) du reste (sans valeur ajoutée). En fabrication, il s’agit souvent de la transformation des matières premières en produit fini. En service, ce peut être le traitement de données pour fournir un rapport clair et utile au client.
Qu’est-ce que la variabilité (Mura)? L’irrégularité qui casse le rythme
La variabilité n’est pas toujours négative—les clients auront toujours des besoins différents à différents moments. Mais la variabilité non maîtrisée est un tueur silencieux de productivité.
Elle peut se manifester par :
- Une avalanche de commandes de dernière minute en fin de mois
- Un flot irrégulier de demandes clients ou de billets de service
- Une pression sur le volume qui nuit à la stabilité des processus
Ces fluctuations créent du stress dans le système, et entraînent souvent surcharge des équipes ou sous-utilisation des ressources.
L’antidote ? La prévisibilité : meilleure planification, communication claire et systèmes capables de s’adapter sans briser le flux.
Qu’est-ce que la surcharge (Muri)? Le coût caché de la croissance
La surcharge peut avoir de lourdes conséquences sur vos opérations. Elle affecte à la fois les personnes et les équipements. Et dans les deux cas, les effets peuvent être durables.
Les personnes
Quand votre équipe fait des heures supplémentaires, saute ses pauses ou passe ses journées à éteindre des feux, vous observez les effets du muri—le troisième M. Cela désigne les personnes et les machines surchargées au-delà de leurs limites raisonnables.
Et le coût ? Il est immense :
- Épuisement et désengagement
- Hausse des erreurs et des incidents de sécurité
- Absentéisme et roulement accrus
- Plus de défauts et de bris d’équipement
Les études démontrent (en anglais seulement) que la productivité chute fortement après 50 heures de travail par semaine, et que les risques de blessure augmentent.
Les équipements
Dans bien des cas, les équipements sont conçus pour un certain volume d’activité. Quand on les pousse au-delà de leur capacité, on crée une surcharge qui peut entraîner :
- Une usure prématurée
- Des arrêts non planifiés et des réparations imprévues
- Une hausse des coûts d’entretien
Cela peut aussi générer plus de défauts de production, ce qui crée du muda (gaspillage).
Dans une entreprise en croissance, cette surcharge s’installe souvent discrètement : on pousse un peu plus chaque semaine, jusqu’à ce que les bris (humains ou mécaniques) deviennent la norme. Mais ce n’est pas durable. Le Lean approche équilibrée 3M nous rappelle l’importance de respecter les personnes et de bâtir des systèmes qui les soutiennent plutôt que de les écraser.
La puissance de l’équilibre : Le Lean, c’est comme une pizza (oui, vraiment)
Imaginez que le Lean est une pizza (restez avec nous). La pâte représente vos processus de base, la sauce c’est votre état d’esprit orienté résolution de problèmes, et les garnitures ce sont les outils comme le 5S, le kanban ou le juste-à-temps (JIT).
Mais ce qui fait la magie, c’est l’équilibre. Trop de garniture, et tout s’écroule. Comme le Lean : si vous ne visez que le gaspillage, vous risquez d’ignorer la surcharge de vos équipes ou le chaos causé par la variabilité.
L’équilibre idéal dépend de votre :
- Niveau d’attentes de vos clients
- Capacités de vos fournisseurs
- Besoins en inventaire
- Capacité de votre équipe
- Gamme de produits ou services
Par exemple, vous avez plus de stock pour la pièce A que pour la pièce B. Est-ce un gaspillage ? Peut-être… ou peut-être pas. Si la pièce A est essentielle à plusieurs produits à fort volume et que votre fournisseur est à l’étranger, ce stock est peut-être stratégique. Le contexte compte.
Rassembler les morceaux
La croissance n’a pas à rimer avec chaos.
En appliquant l’approche des 3M, vous pouvez :
- Éliminer les étapes inutiles sans nuire à votre personnel
- Lisser la demande pour réduire les urgences
- Protéger vos équipes et vos équipements de l’épuisement
L’objectif n’est pas la perfection. C’est le progrès.
Quand on accompagne nos clients dans cette réflexion, les meilleures idées viennent souvent des équipes terrain. Ce sont elles qui voient ce qui cloche, qui vivent la surcharge, qui détectent les gaspillages. Donnez-leur les bons outils, et la confiance pour mener le changement.
À venir : Les garnitures épicées du Lean
Dans le prochain article, on verra comment les outils Lean (comme les systèmes tirés ou le travail standardisé) donnent vie à l’approche des 3M.
« Le résultat inévitable est que l’irrégularité crée une surcharge qui réduit à zéro les efforts antérieurs pour éliminer le gaspillage ». Jim Womack(2)
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À propos de Veronica B. Marquez
J’aide les organisations manufacturières et de services en croissance à se développer sans chaos — en transformant leurs défis opérationnels en gains de performance durables. Ma superforce? Rendre la stratégie concrète à tous les niveaux de l’entreprise : connecter les personnes, les processus et la raison d’être pour accroître la productivité, l’engagement et la résilience. J’apporte de la clarté dans la complexité et j’aide les équipes à mieux exécuter, plus rapidement et ensemble. Grâce à une approche éprouvée en excellence opérationnelle, en amélioration continue et en optimisation des chaînes d’approvisionnement, j’accompagne les leaders à aligner les efforts, simplifier l’exécution et bâtir des systèmes qui soutiennent réellement la croissance.
Nommée parmi les 50 experts en excellence opérationnelle les plus influents par le PEX Network, je cumule plus de 20 ans d’expérience dans des secteurs variés, dont la fabrication, la distribution, les mines et les services publics. J’enseigne le Lean Six Sigma en formation exécutive, je donne un cours de design de services au niveau maîtrise, et j’anime une série LinkedIn Live sur l’industrie 5.0. Prêt·e à voir comment l’excellence opérationnelle peut transformer votre entreprise? Communiquez avec moi https://www.linkedin.com/in/veronicabm/.
📸 : Gidon Pico de Pixabay
Sources:
(1)Ohno, T. (1998) Toyota Production System: Beyond Large-Scale Production. New York: CRC Press.
(2) Womack, J. (2006) Mura, Muri, Muda? Lean Enterprise Institute. https://www.lean.org/womack/DisplayObject.cfm?o=743